Interview de Idrissa Seck avec la RFM
Beaucoup d'observateurs ont du mal à croire que vous irez
au bout de votre candidature. Pourquoi, en dépit de nombreuses dénégations,
certains persistent-ils à penser qu'il y a eu un « deal » entre Abdoulaye Wade
et vous ?
L'idée de deal est un fantasme du camp présidentiel.
Ce qui m'engage, ce sont les actes que je pose et les paroles que je
prononce. Je ne peux pas avoir mobilisé mes réseaux au niveau international,
activé toutes les associations qui me soutiennent dans le monde, impliqué tous
mes compagnons politiques au Sénégal pour du bluff. Cela ne me ressemble pas.
Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de deal entre le Président de la
République et moi. Il m'a accusé de faits graves que la justice a réfutés un à
un. L'idée de deal est étrangère à ma conception de l'éthique, de l'Etat et de
la politique.
Sauf volonté divine contraire, entre Abdoulaye Wade et moi,
toute entente politique est derrière nous.
Vos adversaires rappellent
toujours une phrase que vous avez prononcée au cours d'un séminaire
gouvernemental à Ziguinchor : « Je suis né pauvre et je suis devenu riche. »
Vous êtes-vous enrichi à la faveur du pouvoir ?
Je voudrais d'abord
rappeler le contexte de cette phrase.
J'avais lancé en 2004, la
Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) au séminaire de Ziguinchor, en y
invitant des économistes de renom comme l'américain Michael Fairbank's de OTF
(On The Frontiers)
Dans sa présentation liminaire, Michael Fairbanks, avait
demandé aux élites sénégalaises de faire un choix entre l'ancien monde où les
richesses et les privilèges étaient distribués à la naissance et figés à vie et
le nouveau monde où les talents assurent cette distribution de richesses et de
privilèges. Et où on peut naître pauvre et mourir riche et naître riche et
mourir pauvre en fonction du mérite.
C'est en réaction à cette
interpellation que j'avais formulé la phrase que vous rappelez.
Les seules
ressources que mon passage au pouvoir a mis à ma disposition et qui renforcent
mes moyens d'intervention politique et sociale sont les fonds politiques que le
Président de la République lui-même m'a discrétionnairement alloués. J'ai
indiqué le code qui a présidé à leur redistribution. Les proches, les orphelins,
les indigents, les lourdement endettés, l'affranchissement des jougs, les
voyageurs en détresse et ceux dont les cœurs sont à gagner à notre cause.
Le Livre m'a inspiré d'en dresser compte : “Et nous avons dénombré toute
chose dans un registre explicite ”
Ce qui me préserve des oublis des
mémoires affaiblies…
Vous êtes souvent décrit comme un personnage
cassant voire arrogant… Que répondez-vous à cette rumeur qui brouille votre
image ?
Le propre de la rumeur c'est de partir de rien pour gonfler,
telle une bulle, et prendre injustement les allures d'une vérité. En
l'occurrence, l'idée d'un Idrissa Seck arrogant et cassant est une pure
caricature.
Le musulman que j'aspire à être connaît l'importance de
l'humilité. Ma fréquentation des Psaumes m'a également enseigné que le Seigneur
invite à être humble : « … afin que l'homme tiré de la terre cesse d'inspirer
l'effroi » (Psaumes 10, V18)
Mais humilité ne veut pas dire légèreté,
encore moins vulgarité. Nul ne peut revendiquer une position de pouvoir et ne
pas adopter une posture qui impose le respect.
Dire le contraire c'est
cautionner une banalisation de l'autorité publique, donc un affaissement de
l'autorité et du prestige de l'Etat comme on l'observe aujourd'hui dans notre
pays.
Vous avez quand même dit que vous êtes né pour être président.
Ce qui n'est pas modeste
Ce n'est pas modeste du tout et c'est pour
cela que je ne l'ai jamais dit. Cette rumeur est née du titre d'un journal de
Princeton qui disait : « Idrissa will someday be President » (Idrissa sera un
jour président). Nous nous limitons humblement à prier pour que ce jour soit
proche.
Pourquoi mêlez-vous le Coran au discours politique ? Quel est
votre rapport à la laïcité ?
Le Coran est ma référence. Il
m'enseigne d'adopter aussi comme sources d'inspiration l'Evangile, la Thora et
les Psaumes, de m'ouvrir aux merveilles du monde et à toutes ces cultures, de
parler à chaque peuple sa langue. C'est à travers Tintin, Titeuf, Ducobu et jeux
électroniques que j'enseigne à mes enfants le coran de façon fragmentée et
graduelle comme l'a reçu le prophète (PSL) pendant 23ans.
Ceux qui veulent
instituer un Etat Islamique où ne vivraient que des croyants méconnaissent le
Livre. Le Coran fonde la laïcité en divers versets :
« C'est Lui qui vous a
créé. Parmi vous il y a mécréant et croyant… » S64 V2. L'un ne peut pas éteindre
l'autre. Songez au formidable dialogue entre Dieu et Iblis (Satan). Le premier
choisit d'accorder un délai au second pour obstruer son chemin. (S7 V12-18)
« Nulle contrainte en religion » (S2 V256)
« La vérité émane de votre
Seigneur, quiconque le veut qu'il croie et quiconque le veut qu'il mécroie »
(S18 V29)
« Et par l'âme et Celui qui l'a harmonieusement façonnée »
«
Et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété » (S91 V7 et 8)
J'accorde une importance fondamentale à la laïcité. Je ne peux avoir le
parcours que j'ai eu et ne pas être ouvert sur les autres cultures et les autres
sociétés. De St-Gabriel à Princeton en passant par Sciences-po Paris, je me suis
fait des amis de toutes les religions, de toutes les civilisations et de tous
les continents. Notre pays est un exemple réussi de cohabitation entre les
religions. Je m'emploierai à préserver cet acquis essentiel si je suis en
responsabilité. Premier ministre, j'ai pu d'ailleurs démontrer mon attachement à
cet équilibre, à l'occasion de la polémique engagée par le président de la
République contre le clergé en 2003.
Vous avez dit et répété que vous
n'alliez jamais vous présenter contre Abdoulaye Wade. Qu'est-ce qui vous a fait
changer d'avis ?
Abdoulaye Wade et moi étions liés par un pacte
qu'il a rompu à la face du monde. Je ne parle même pas de la brutalité avec
laquelle il m'a traité. Cela passe encore. Ce qui passe moins, c'est que plus le
temps passait, plus les dérives se multipliaient, et plus il m'était difficile
de me confiner dans une attitude de spectateur face à la déconstruction
progressive des institutions, des avancées économiques et des acquis
diplomatiques de notre pays. Le Abdoulaye Wade pour lequel j'entendais renoncer
à me présenter n'est plus celui-ci. L'actuel Wade est pris dans un étau, ligoté
par une stratégie familiale et pris en otage par un entourage destructeur. Et je
ne suis pas le seul Sénégalais à ne plus reconnaître celui qui a été élu le 19
mars 2000.
Beaucoup d'observateurs estiment que vous ne rassurez pas,
et que vous allez régler des comptes une fois au pouvoir. Avez-vous présenté une
candidature de revanche ?
La revanche est une notion inconnue du
musulman que j'aspire à être. Ma religion m'enseigne le pardon. Mon cursus
intellectuel et mes idéaux politiques m'incitent à la tolérance. Après avoir
échappé au complot de ses frères et obtenu sur eux la victoire, Joseph dit ceci
à leur endroit : « Pas de récriminations contre vous aujourd'hui ! Qu'Allah vous
pardonne. C'est Lui le plus Miséricordieux des Miséricordieux. »
Je ne peux,
une fois élu, distraire mon temps et mon énergie à régler des comptes, au
détriment de la satisfaction des problèmes urgents des Sénégalais.
Et puis,
je ne peux pas poser le moindre acte de représailles à l'encontre d'Abdoulaye
Wade. Les Sénégalais ne le comprendraient pas et je tiens à l'estime de mes
compatriotes. Il y a des choses que je préfère subir de mon compagnon au lieu de
les lui faire subir. Abdoulaye Wade peut me faire ce qu'il désire. Je convoite
de Dieu un cœur large pour le subir.
Jamais je n'installerai le Sénégal dans
un climat de règlement de comptes. L'Etat n'est pas un instrument pour assouvir
des vengeances personnelles. J'en ai une bien plus haute idée.
Que
proposez-vous de nouveau aux Sénégalais ? Avec quels hommes et femmes allez-vous
le réaliser ?
Ce que j'espère, c'est que chaque sénégalaise et
chaque sénégalais ressente dans son vécu quotidien la restauration de l'Etat de
droit, le respect des Droits de l'homme, un panier de la ménagère garni et des
opportunités d'emploi.
Les sénégalais ne souhaitent plus voir au Sénégal
des journalistes envoyés à la DIC pour avoir exprimé leur opinion.
Les
sénégalais ne souhaitent plus voir la manipulation des institutions judiciaires
pour éliminer un adversaire politique gênant.
Ils souhaitent que la
transparence irrigue tous les actes du gouvernement. Ce qui manque le plus
aujourd'hui avec les modèles de gestion comme l'ANOCI
et la société AIBD
(Aéroport Internationale Blaise Diagne)
Dans le premier cas, on fait
croire aux sénégalais que c'est avec des dons que les travaux de l'ANOCI
seraient réalisés, alors qu'en fait ces travaux sont exécutés avec des
ressources publiques (Prés de 31 milliards auprès du fond Kowétien et de la BID.
) Pour la société de construction de l'aéroport, on ne sait pas sur quelle base
le partenaire stratégique (actionnaire à 55% d'une société au capital de 100
millions de francs CFA) a été choisi. Ce partenaire apporte 55 millions de
francs, ne prend aucun risque puisque l'emprunt est garanti par les redevances
aéroportuaires, mais il devrait être le gestionnaire d'un aéroport dont le coup
dépassera vraisemblablement 300 millions de dollars.
Les sénégalais
souhaitent, également, que la croissance descende au niveau du panier de la
ménagère.
Ils ne veulent plus d'un Sénégal où l'électricité est coupée
régulièrement et où le Président leur demande de retourner à la bougie.
Quel
était le cri de campagne du président en mars 2000, en direction de la jeunesse
? ‘Vous qui n'avez pas d'emploi, levez le bras.' Aujourd'hui, quand il devra
refaire le tour du pays, ces mêmes jeunes lui diront : ‘Monsieur le Président,
nous sommes dans l'émigration clandestine, nous prenons des barques, des
pirogues de fortune, nous mourons dans la mer parce que nous ne trouvons pas
d'emplois chez nous.
Ce que je ferai de nouveau, m'appuyant sur les efforts
de tous, c'est également ceci :
Le conflit casamançais sera notre
première préoccupation. Nous ne donnerons pas de délai mais nous allons
mobiliser les moyens nécessaires pour faire revenir la paix dans cette belle
région du Sénégal. Nous avons dans cette perspective un important projet dénommé
Initiative pour le Développement Intégré de la Casamance ;
Décongestionner Dakar. 22 pour cent de la population et 80 pour cent
de l'industrie ne peuvent pas être confinés sur 0,03 pour cent du territoire
sénégalais. Le site de Dakar sera réservé en priorité aux services (Banque,
assurance, nouvelles technologies). Il nous faudra aménager hors de Dakar
d'autres pôles de développement, reliés au port de Dakar par rails et autoroute,
disposant de ports secs ainsi que de vastes espaces viabilisés et équipés pour
abriter des sites industriels, des villages artisanaux et des zones
d'habitation. Fournir des facilités de financement aux meilleurs projets à
délocaliser sur les dits sites. Un fond de 125 millions de dollars est déjà
identifié à cet effet ;
Explorer les réponses populaires apportées
aux besoins de santé, d'éducation afin de les moderniser et de les rendre plus
efficaces ;
Un plan Job et Tiop centré sur les 3 secteurs fournisseurs
de notre sécurité alimentaire : Agriculture, Elevage, Pêche. Mettre sur pied une
politique de promotion économique des jeunes (Formation à l'entreprenariat,
appui à l'accès au crédit, etc.) ;
Remplacer COUPELEC par une
SENELEC performante scindée en deux. D'une part des IPP privés pour la
production et une SENELEC publique pour la distribution et le transport.
Restaurer la crédibilité financière de la SAR pour une réelle relance de ses
activités industrielles, à l'exclusion des activités d'importation que les
traders sont mieux à même d'accomplir ;
Soutenir sérieusement
l'artisanat. A titre d'illustration, nous allons octroyer aux professionnels du
bois les 18 Milliards de Chiffre d'Affaire que génère le mobilier national et
une part substantielle des 35 milliards consacrés, chaque année, aux meubles
importés ;
Toutes ces actions de notre programme de redressement
national, je l'ai déjà dit, seront portées par les meilleurs d'entre nous,
représentatifs des vertus et des compétences de notre pays.
Que
répondez-vous à ceux qui prétendent qu'il n y a pas de compétences parmi les
hommes et les femmes qui vous entourent ?
Nombreux sont les
sénégalaises et les sénégalais qui, dans le caché comme dans le manifesté,
appuient ma candidature et travaillent activement à la faire triompher. Jetez un
coup d'œil sur les profils des membres de notre secrétariat national et dites
moi si votre question se pose encore. En attendant de découvrir les sénégalaises
et les sénégalais que les meilleures firmes et institutions mondiales
s'arrachent et qui m'ont déjà donné leur engagement de venir servir le pays à
mes cotés.
Mes collaborateurs ont en plus une autre chose qui me lie à
eux : la solidarité forgée par les souffrances communes et le feu du combat.
Quelqu'un peut tirer un trait sur tous ses compagnons d'hier et se refaire des
amis d'aujourd'hui. Tandis que, pour moi, la loyauté, le passé commun et le
compagnonnage de la première heure ont un sens que m'enseigne le Livre :
«
On ne peut comparer cependant celui d'entre vous qui a donné ses biens et
combattu avant la conquête… Ces derniers sont plus hauts en hiérarchie que ceux
qui ont dépensé et ont combattu après.» (S57 V10)
Quels sont vos
atouts et handicaps dans la course à la présidentielle ?
Je vous
laisse, en tant qu'observateur, le soin de détecter les handicaps. Je crois que
mon principal atout c'est ma foi. Foi en notre destin, foi en notre avenir.
Que vous inspire comme réflexion l'attitude de l'opposition à
votre égard ? Ne vous êtes-vous pas fait trop d'ennemis parmi les opposants pour
pouvoir faire alliance avec vous ?
Je n'ai jamais eu de problèmes
personnels avec des leaders de parti. Chacun défend ses positions politiques et
je défends les miennes. A titre d'exemple, lors des investitures de candidats
aux élections locales, Landing voulait Bignona et Bathily, Bakel. Je m'y suis
opposé. Car ils restent des concurrents potentiels pour l'avenir et il n'était
pas rationnel de leur prêter la force du PDS pour conquérir les stations
stratégiques de Monsieur Casamance pour l'un et Monsieur Sénégal oriental pour
l'autre.
Mais je pense que les intérêts supérieurs du pays supplantent tout
autre intérêt. C'est pourquoi j'ai demandé à rencontrer les leaders de la CPA.
J'ai également déclaré que je suis tout à fait disposé à m'aligner derrière
celui que les suffrages auront désigné au premier tour comme étant le meilleur
profil dans l'opposition.
Avez-vous détourné de l'argent dans les
chantiers de Thiès ? N'est-ce pas là l'origine de la fortune que d'aucuns vous
prêtent ?
Je l'avais dit et je le réitère : jusqu'à l'extinction du
soleil, le détournement du moindre centime d'argent public ne pourra m'être
imputé. Et les faits m'ont jusqu'ici donné raison. Malgré la mobilisation
inédite de tous les instruments de répression et d'investigation de l'Etat, la
justice a fini par reconnaître mon innocence.
La commission d'instruction a
dit que je n'ai commis ni détournement de deniers publics ni surfacturations
dans le cadre des chantiers de Thiès et que même si la responsabilité des
entreprises était établie en matière de surfacturation, il resterait à prouver
comment Idrissa Seck a pu bénéficier sciemment des produits des surfacturations.
Comment aurais je pu détourner des fonds dont je n'avais ni la garde, ni la
responsabilité du mouvement ? Ce mouvement est par ailleurs, clairement établi
par des relevés bancaires, du trésor aux entreprises en passant par le PCRPE.
Les commissions rogatoires internationales n'ont rien trouvé et ne
trouveront jamais rien parce qu'il n y'a rien. Tout ce que je possède a une
origine licite. Mais en tout état de cause je suis disposé, à tout moment de la
convenance d'un juge, à prouver que mes revenus justifient les biens dont je
dispose.
Je comprends le désespoir de mes adversaires qui, faute de
solution politique au problème Idrissa Seck, recourent à des faux fuyants
juridiques. Malheureusement pour eux, ils ont lamentablement échoué sur cet
autre terrain. Ils doivent revenir à une évidence : ils n'ont d'autre choix que
de m'affronter par les urnes. Ils en ont une peur bleue qui les pousse à de
nombreuses fautes.
Comment avez-vous vécu votre séjour carcéral ? Que
vous a appris la prison ?
Vous connaissez sans doute ce proverbe du
14 ème siécle « Moult a appris qui bien connut ahan ». A beaucoup appris qui a
bien peiné.
En prison j'ai beaucoup songé à mes devanciers dans la
station de la détention. J'ai appris du plus illustre d'entre eux, une belle
endurance ainsi que la protection contre l'affliction. J'ai songé à Mohamed
(PSL) dans la grotte disant à son compagnon, « ne t'afflige pas, Allah est avec
nous ». J'ai songé à Serigne Touba , isolé au Gabon, à Mandela
dont les compagnons ont reçu l'urine de leurs geôliers comme boisson, à
Napoléon au Port d'Antibes, soumettant sa conduite au seul tribunal de sa
conscience tranquille, parce que innocente. A De Gaulle considérant sa
captivité comme le temps des semailles et de la germination suivi plus tard par
celui de la moisson. A Léopold Sédar Senghor envoyant du chocolat à son
ami Pompidou, émerveillant son geôlier allemand par la qualité de son latin. A
Abdoulaye Wade, m'écoutant avec énormément d'émotion, dans le bureau des avocats
à Reubeus, lui rendre compte de l'entretien que j'ai eu avec Jean Collin alors
tout puissant secrétaire général de la Présidence de la République qui a cherché
à me débaucher et à qui j'ai répondu que s'il voulait m'avoir, il devait passer
par Abdoulaye Wade.
A César enfin, dans le repaire des pirates de l'île de
Pharmacuse qui l'ont arrêté avant d'exiger pour sa libération, une rançon…
Je me suis fait beaucoup d'amis parmi les détenus et les gardiens malgré un
régime d'isolement complet.
J'ai beaucoup pensé à Coluche, sur l'homme
politique qui investissait plus dans les prisons que dans les écoles et qui
expliquait ce choix par le fait qu'il savait qu'il ne retournerait pas à l'école
tandis que pour la prison… on ne sait jamais.
En prison, j'ai beaucoup écrit
notamment sur les réformes du système judiciaire et de l'administration en
général. J'ai écrit sur la promotion, chez les fonctionnaires, d'un comportement
de dignité et de refus face aux ordres illégaux de leur hiérarchie politique.
Je ne me suis jamais autant amusé avec Koutia me décrivant avec une
surprenante acuité mon émerveillement face aux parures et parfums de Ndéye Penda
qui les renouvelle perpétuellement pour mon plaisir visuel et olfactif. La
créativité de ma douce épouse en cette matière est le plus bel hommage qui m'ait
été donné de voir et sentir pour ce beau verset de Rahman où Dieu dit : « Chaque
jour, il accomplit une œuvre nouvelle ».
Craignez-vous une nouvelle
inculpation avec la poursuite des commissions rogatoires internationales, comme
l'a laissé entendre le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy ?
Non seulement je ne crains rien, mais également je vais
également siffler la fin de la récréation. J'ai pris les dispositions pour
mettre un terme à ces allégations qui n'ont jamais été établies par un juge. Le
Sénégal est d'ailleurs l'un des rares pays dits démocratiques où un chef d'Etat
et des ministres se mêlent ouvertement d'affaires traitées par la justice.
L'indépendance de la justice dicte tout à fait le contraire. C'est une question
d'hygiène démocratique. Nous vivons actuellement dans ce pays une grave crise
démocratique. Les institutions sont à vau-l'eau. Tous les principes sont foulés
au pied. L'Etat est à genoux. La justice est transformée en un outil de
règlement de comptes. La Dic interpelle de façon ininterrompue hommes politiques
et journalistes. Le sens de ma candidature, c'est d'instaurer un nouveau système
dans lequel ces graves dérives n'auront plus de place.
Imaginez-vous un
seul instant être empêché d'élection pour cause de nouvelles poursuites ?
Absolument pas. Cette hypothèse fantaisiste n'existe que dans la tête de
ceux à qui cela fait plaisir d'y croire. Je l'affirme solennellement : seul le
verdict des urnes va, le cas échéant, m'empêcher d'accéder à la station
présidentielle. Aucune diversion, aucun subterfuge juridique ni aucune manœuvre
dilatoire ne peuvent m'empêcher de me soumettre au suffrage de mes compatriotes.
Ceux qui ont peur de m'affronter n'ont qu'à renoncer à se présenter.
Si votre parti Rewmi n'est pas reconnu, allez-vous vers le bras
de fer ou changer d'appellation ?
Le parti existe déjà. Il
s'appelait FPJ. Il s'appelle maintenant Rewmi. La question ne porte pas sur
l'existence légale du parti mais sur son droit à choisir le nom qu'il veut et en
particulier Rewmi. Avons-nous le droit de nous appeler Samba ou Bathie ? C'est
ça le débat. Sur cette question nous ne nous soumettrons qu'à une décision de
justice et non à une injonction autoritaire et arbitraire d'un Premier Ministre
ou de son Ministre de l'Intérieur
Que pouvez-vous changer que vous n'aviez
pas pu quand vous étiez Premier ministre ?
D'abord, je suis très fier du
bilan que j'ai réalisé au poste de Premier Ministre. Les faits sont têtus : à
cette station, j'ai mené le Sénégal au point d'achèvement de l'initiative PPTE.
Devant le Club de Paris, en 2003, nous avons récolté 840 millions de dollars –
une performance qualifiée à l'époque d'historique par le Chef de l'Etat.
L'économie a connu un second souffle en 2003-2004. Le Sénégal était éligible
au MCA sur la base des données de 2004 et les notations de l'Agence
Internationale de Cotation Standard And Poor's nous conféraient la note B à
court terme et B+ à long terme.
Le Sénégal était considéré comme solvable.
Mieux, la Banque Mondiale considérait que nous avions le meilleur cadre
macroéconomique en Afrique subsaharienne.
Si le Président de la République
observe, aujourd'hui que je n'ai pas défendu ses grands projets dans mon
discours de politique générale, c'est certainement pour me donner raison. Aucun
des projets sur les délais de réalisation desquels j'avais refusé de m'engager
n'est à ce jour réalisé (l'aéroport de Ndiass, le train à grand écartement,
ville nouvelle, tramway …)
J'ai une conception de la parole politique.
Autant on peut affirmer que le courant revient le 15 octobre pour aujourd'hui
être démenti par les faits, autant je ne peux annoncer un engagement sans
m'assurer au préalable de la disponibilité des moyens logistiques, financiers et
humains nécessaires à sa réalisation.
Si vous êtes élu président,
quel est le premier acte que vous allez poser ?
Prier.
Prier
pour que Dieu nous protége contre les peines et les larmes que charrient les
catastrophes comme celle du Joola ;
Prier pour qu'Il nous apporte des
joies similaires à celles qu'a procuré l'épopée des lions au Japon ;
Prier pour que la voix de ceux d'en bas arrive à ceux d'en haut ;
Rendre grâce pour le bienfait dont Il m'a comblé ;
Convoiter de
lui la force de faire une bonne œuvre qu'Il agrée ;
Prier pour qu'Il me
fasse entrer par sa miséricorde, parmi les serviteurs vertueux ;
Me
mettre au travail, entouré des meilleurs d'entre nous, représentatifs des vertus
et des compétences de notre pays.
19) Le témoin annonce l'arrestation de
Bara Tall et le populaire dit que les autorités ont retiré votre passeport
diplomatique. Quelle est votre réaction
Je me fixe pour règle de ne pas
réagir à des rumeurs mais seulement à des faits. Il s'y ajoute que ce que les
magistrats ont déjà dit dans leur arrêt n° 4 du 7 février 2006 me met hors de
portée des manipulations judiciaires de mes adversaires.
Pour le
passeport diplomatique, j'ai introduit comme d'habitude, auprès du ministre des
Affaires Etrangère, une demande de prorogation des passeports de ma sécurité, de
ma famille et de moi-même. Après un délai inhabituel de traitement de ma
demande, j'ai téléphoné à Madame Claude Absa Diallo, Secrétaire Général du
ministère des affaires étrangères qui m'a généreusement et professionnellement
informé des dispositions qui régissent ma requête. Dispositions selon lesquelles
«peuvent également obtenir le passeport diplomatique, les anciens Chefs d'Etat,
les anciens Chefs de Gouvernement et les anciens Ministres des Affaires
Etrangères qui en font la demande, sur la décision du Chef de l'Etat, après avis
du Ministre chargé des Affaires étrangères ».
Il s'agit donc d'une
possibilité et non d'un droit. Me conformant, comme tout citoyen sénégalais aux
lois et règlements de mon pays, j'ai adressé une lettre au Président de la
République et suis en attente de sa réponse. J'ai en même temps entamé une
procédure d'obtention d'un passeport ordinaire. Il n y'a donc pas de quoi
s'alarmer.